Le guide de la révolution, l'ayatollah Khamenei, a adressé lundi une mise en garde à l'ex-président Rafsandjani, qui avait parlé de «crise» dans le pays.
Plus qu'un avertissement, c'est le signe d'une guerre déclarée entre deux hommes, entre deux clans. «Nos élites doivent être vigilantes. Toute parole, toute action, toute analyse qui aident (les ennemis) vont à l'encontre des intérêts de la nation», a prévenu, lundi, l'ayatollah Ali Khamenei, dans une allocution rapportée par la télévision d'État. Avant d'ajouter : «Ceci est un jour d'examen. Celui qui échoue ne pourra pas le repasser l'année prochaine.»
Sous forme de rappel à l'ordre, le message vise explicitement l'ex-président Rafsandjani. Ce dernier s'était , à l'occasion de la grande prière. Il y avait évoqué la crise de confiance des Iraniens, après , au cours duquel il avait soutenu Moussavi, rival déclaré d'Ahmadinejad. Il y avait également demandé la libération des personnes emprisonnées et la réouverture des journaux suspendus.
Si sa prise de position embarrasse aujourd'hui le guide suprême, c'est parce qu'elle révèle la faille qui ne cesse de se creuser au sommet d'un système dont ils sont, tous deux, les principaux artisans. Acteurs importants de la révolution de 1979, ennemis jurés de l'ex-chah d'Iran, Khamenei et Rafsandjani sont de vrais piliers du régime iranien. Les deux hommes se connaissent depuis bien longtemps. À la mort de l'imam Khomeyni, en 1989, Rafsandjani a d'ailleurs joué un rôle actif dans le choix de Khamenei à la succession du père fondateur de la République islamique. Il a hérité, en retour, de l'appui nécessaire pour briguer le poste de président de la République, précédemment occupé par Khamenei. Mais, au fil des années, leurs affinités s'effritent. En 2005, la discorde éclate. Pendant la campagne électorale, le guide suprême affiche ouvertement son soutien au maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, rival affiché de Rafsandjani. Un soutien, diront certains, motivé par la crainte de voir Rafsandjani, défenseur d'une libéralisation économique à la chinoise, signer l'arrêt de mort de la République islamique en ouvrant les vannes du pays.
Capture d'une vidéo postée lundi, montrant une manifestation à Shiraz.
À charge de revanche, Rafsandjani qui reste très influent en raison de sa double casquette de chef du Conseil de discernement et de l'Assemblée des experts, deux instances clés du régime aurait, selon ses proches, tenté de passer un «deal» avec le guide, quelques mois avant le dernier scrutin. Le premier se serait engagé à garantir le retrait de l'ex-président réformateur, Khatami, de la course électorale au profit d'un homme en apparence plus effacé, Mir Hossein Moussavi en échange de la neutralité de Khamenei envers Ahmadinejad, candidat à sa réélection. À l'annonce des résultats contestés du scrutin, le pacte est brisé. Rafsandjani se sent trahi. Pendant un mois, il s'isole, évitant toute forme d'intervention publique. Jusqu'à sa sortie remarquée de vendredi dernier.
Entre les deux hommes, deux écoles de pensée s'affrontent aujourd'hui au grand jour : un Iran qui s'isole et se recroqueville sur lui-même, contre un Iran qui cherche à s'ouvrir et à assouplir son discours. Une guerre qui se déroule, en partie, par médias interposés. Ce week-end, le journal conservateur Kayhan s'en prenait directement à Rafsandjani en l'accusant de soutenir «ceux qui violent la loi» en référence aux manifestants. Moussavi, soutenu par Rafsandjani, se réfugie, lui, sur Internet. Dans son dernier communiqué interactif, publié lundi sur le Web, il s'attaque à la télévision d'État dont le directeur est nommé par le guide qu'il accuse de diffuser «de fausses accusations comme des publicités pour machines à laver», allusion à la multiplication des programmes dénonçant ce que certains ultras appellent « une révolution de velours dirigée par l'Occident».
Contagion en province
Lundi, les sites Web étaient également nombreux à relayer l'appel à un référendum sur les élections, lancé par l'Association des religieux combattants (ARC), dirigée par Mohammad Khatami. Quant à la controverse de ce week-end autour de la nomination d'Esfandiar Rahim Mashaie, gendre d'Ahmadinejad, au poste de vice-président, elle a vite été étouffée par un démenti posté sur son site Internet, visant, semble-t-il, à camoufler les tensions internes. La rue, elle, reste le baromètre le plus visible de la crise postélectorale qui menace de paralyser le pays. Alors que de nouvelles vidéos postées sur YouTube, prises par des manifestants à Shiraz, dans le Sud, et à Racht, dans le Nord, montrent que la grogne commence à gagner la province, de nouveaux rassemblements sont prévus, aujourd'hui, dans la capitale iranienne.
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